La pratique réflexive en AFEST : de quoi parle-t-on ?

« Pratique réflexive en AFEST» : l’expression est ambiguë. Elle peut désigner la pratique même de réflexion, ce que chacun fait lorsqu’il réfléchit. Réfléchir ne consiste pas en effet être en état de conscience. C’est une suite d’opérations intellectuelles, dont les états mentaux ne sont que le point de départ, un état temporaire ou le point d’arrivée.

On peut considérer cette suite d’opérations comme une pratique intellectuelle. Elle est aussi assez souvent une pratique de pensée, dialogique et sociale.

C’est une pratique de pensée, car notre réflexion s’appuie sur le langage et les concepts qu’il véhicule, même si nous n’entamons aucune conversation avec autrui. Définir la réflexion comme une conversation avec soi-même est d’autant moins absurde qu’une personne se tient souvent à elle-même le discours possible, probable, coutumier d’autres acteurs à ses yeux significatifs. La pensée est dialogique même en l’absence d’interlocuteurs actuels. Alors est le sujet dans tout ça !!!!

Les réactions d’autrui sont imaginées, espérées ou redoutées sur la base de l’expérience et d’une connaissance des idées, des compétences, des valeurs qui s’affrontent dans un champ de formation donné. La réflexion est encore plus nettement sociale lorsqu’elle s’inscrit dans une interaction, un travail coopératif, un processus de décision, une action en situation de travail, une demande d’aide ou de conseil, un débat contradictoire, une évaluation.

Dans le travail, durant les formations, on réfléchit souvent sous le regard des autres, avec ou contre eux. Il y aurait tout intérêt à concevoir la réflexion comme une pratique, de la même façon que Latour (1996) considère la théorie comme une pratique des chercheurs ou de leurs lecteurs bien avant d’être un ensemble d’énoncés. Toutefois, ce n’est pas dans ce sens que Schön a parlé de pratique réflexive (reflexive practice). Il s’intéresse aux praticiens d’un métier : architecte, designer, ophtalmologue. La pratique dont il est question est une pratique professionnelle, dans toutes ses composantes.

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La dimension réflexive des pratiques professionnelles des formateurs et enseignants :

Une pratique professionnelle en AFEST n’est pas réflexive en elle même, du seul fait que le sujet réfléchit avant d’agir, analyse la situation, compare divers cours possibles de l’action, anticipe tels ou tels problème.

Admettons avec Hubault (2001) et Jobert (2001) que « travailler, c’est penser ».

L’action du sujet en AFEST est presque indissociable de la pensée, même si tout n’est pas pensé. L’action la plus routinière, accomplie en pilotage automatique, implique des opérations mentales de haut niveau.

S’il suffisait de témoigner d’une pensée orientant et régulant l’action, toutes les pratiques professionnelles seraient réflexives et le concept perdrait tout intérêt.

En AFEST, le sujet ne fait pas de distinction claire entre réfléchir et penser. Comprendre la différence entre un sujet qui pense et un sujet qui réfléchit ne va donc pas de soi. Les choses deviennent plus claires si l’on considère la pensée ou de la réflexion comme deux objets.

Un formateur ou enseignant est réflexif – au sens de Schön – lorsqu’il prend sa propre action comme objet de sa réflexion.

Piaget introduit cette idée pour expliquer la genèse de la logique « naturelle » du sujet par formalisation des structures de son action.

Le formateur confirmé réflexif est un praticien qui se regarde agir comme dans un miroir et cherche à comprendre comment il s’y prend, et parfois pourquoi il fait ce qu’il fait, éventuellement contre son gré. 

Les moments de la réflexion sur l’action   : Schön (1986) distingue « réflexion dans l’action » (reflection in action) et « réflexion sur l’action » (reflection on action).

Ces formulations restent ambiguës, car la réflexion dans l’action désigne à la fois un moment et une logique de 4 régulation. On réfléchit dans l’action en train de s’accomplir, donc inachevée, ouverte, pour mieux la réguler pendant qu’il en est encore temps. Temps de régulation des pratiques des sujets lors des actions de formation en situation de travail.

Cela n’exclut pas une réflexion sur l’action. En même temps qu’il tance un sujet, un formateur peut se dire : « Je suis en train de me laisser entraîner dans une escalade provocation-répression, il faut que je casse ce cercle vicieux ».

Cette réflexion sur sa propre action est alors immédiatement réinvestie dans l’interaction en cours. Je propose de distinguer simplement trois temps de la réflexion sur l’action du sujet et du formateur expert :

1. Le temps de l’avant-projet, le temps de la préparation, le champ est invisible mais nous pouvons nous projeter dans le temps. Il faut être capable d’avoir mis en place assez d’indicateurs de planification pour pouvoir prévoir ce qui va être ou ce que va tendre l’énigme. 

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Partir des programmes, des progressions

 S’approprier le savoir à enseigner : le savoir savant a été transformé en savoir pouvant être enseigné selon les niveaux (transposition didactique)

 Définir les objectifs : à l’issue de la séance les sujets sauront et sauront faire …(connaissances et compétences) Ils sont définis par les programmes.

 Détailler les différentes phases : détailler la séquence de S et de T et les différentes séances

 Prendre en compte la différenciation dès la préparation

 Anticiper les difficultés que les sujets risquent de rencontrer : prévoir des outils, des aides, des relances pour les aider à les surmonter.

2-Le temps de l’action en cours. La réflexion se fait alors dans des conditions précaires, avec ou sans distance, parfois dans l’urgence ou le stress.

  1. situation de recherche,
  2.  situation de découverte,
  3.  situation d’entraînement,
  4.  situation de systématisation,
  5.  situation de réinvestissement
  6. situation de travail
  7. Varier les modalités d’organisation en fonction des objectifs d’apprentissage :
  8.  travail individuel,
  9.  travail de groupe,
  10.  travail collectif avec interactions

Il faut alors être capable de marcher et, presque simultanément, de se regarder marcher (Fernagu Oudet, 1999).

L’enseignant ou le formateur va observer et noter les difficultés rencontrées selon les élèves.

L’évaluation sommative prévue lors de la préparation permet de valider l’acquisition de la compétence visée.

3. Le temps de l’après-coup, une fois l’action « éteinte », comme disent les juristes. La réflexion est alors plus tranquille, mais elle ne peut plus modifier le cours des actions. Bien entendu, la réalité est plus nuancée, car une action de longue durée connaît des temps morts, durant lesquels il est possible de revenir plus tranquillement sur les phases précédentes et de préparer la suite des opérations. ( Ce que je préconise dans les actions en situation de travail)

Pourquoi ne pas retenir aussi un temps d’anticipation, de préparation de l’action ? Il existe, à l’évidence, lorsqu’on analyse la place de la réflexion dans la conduite de l’action. Mais nous nous limitons ici, dans la perspective de la pratique réflexive, dans une action en AFEST à une réflexion sur une action réelle, en cours ou accomplie. Certes, en préparant une action future, un formateur se souvient de ce qu’il a fait dans des cas analogues et il tente de se servir de cette expérience pour anticiper et prendre de bonnes décisions. ( Comment alors transmettre la rétroaction au sujet)

Mais les actions dont il tire des leçons sont à ce moment accomplies. Par rapport à ces dernières, sa réflexion se déploie donc dans l’après-coup. Comme les situations de travail forment des groupes, la réflexion dans l’après coup est presque toujours, qu’on s’en rende compte ou non, une façon d’anticiper.

Un praticien réflexif comme un formateur mais aussi le sujet, vit dans un cycle sans fin dans lequel chaque moment de réflexion hors du feu de l’action marie à la fois un retour sur ce qui s’est passé et la préparation à une éventuelle ou inéluctable « prochaine fois ». On pourrait donc tenter de distinguer, dans l’après-coup, deux mouvements qui n’ont pas le même sens :

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La suite la semaine prochaine.

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